Wabi-Sabi de l'estomac
Me voilà dans un drôle d’état depuis quelques jours.
Impression d’avoir attrapé quelque chose/bouleversement émotionnel de type SPM mais impossible.
Je dois l’avouer, ce n’est pas facile cette résidence.
Je ne sais pas trop pourquoi.
P-ê que je suis tout simplement un peu déçue.
Déçue et/ou triste de ne pas retrouver cet état de création enivrant de la Finlande.
Pourtant…
Pourtant !!!
WTF !?!
C’est quoi mon problème ?
Je fais vraiment des choses dont je suis fière.
Je pense que c’est (un) peu ennuyant ici.
Ça manque de piquant, d’aventure.
J’en viens un peu à me demander ce que je fais ici.
Et je m’en veux.
Je m’en veux de ne pas apprécier à sa juste valeur cette expérience.
Aujourd’hui, les choses ont vraiment incroyablement avancées, sans même que je ne m’en rende compte.
Mine de rien, mon installation, elle est pas mal là.
Pas encore concrètement (si vous étiez là, je n’aurais pas grand chose à vous montrer).
Pourtant elle existe dans ses concepts, ses éléments, sur papier, en fichier sur mon ordinateur, en pièces détachées dans 3 maisons différentes.
La semaine prochaine, je pourrai commencer à assembler le tout, dans l’espace officiel : une espèce de maison/chambre forte dont le premier étage est resté figé dans le temps avec ses carnets de comptabilité (reliés à la brasserie juste à côté) et ses vieilleries datant de l’avant-guerre.
Il y aura, en montant des escaliers vraiment éprouvants, de gros blocs de glaces sur une étagère qui en fondant, laisseront s’égoutter de l’eau tranquillement. Un gros bac en dessous recueillera l’eau et les gouttes pourront être entendues par les gens qui arriveront dans l’espace. Ça remplace mon idée de chocolat qui fond. Je trouve qu’esthétiquement parlant, ça s’agence mieux tout en illustrant la même idée. Puis, ils verront les 3 gros écrans faits spécialement de papier de riz sur lesquels seront projetées 3 vidéos de Charlotte. Ils seront minimalistes. Une exploration de la couleur rose.
Puis derrière les visiteurs, le reste de mon installation : un bambou sur le sol jouant des sons provenant de mon ventre (j’ai le ventre étrange depuis quelques jours et il fait full de bruits… Jeanie m’a suggérée de l’enregistrer… quelle bonne idée ! Ces sons sont tellement évocateurs de comment je me sens.)
La roche qui se frappe contre la paroi de verre (je pense à la suspendre au plafond, p-ê même avec un fil de pêche pour donner l’impression qu’elle flotte).
La boule de papier avec du vent qui souffle dessus.
Projection d’une courte video de brins d’herbes dans le vent (assez similaire dans l’esthétique de Metsässä I qui jouait dans la boîte noire de I Once Thought…, je considère que c’est une bonne idée de faire un lien entre ces 2 œuvres). Ça a un feeling psychédélique (les couleurs sont acidulées, la texture des images un peu surréelles, chaque image est séparée par du noir, donc ça crée un effet de flicker. La répétition incessante de la même 1 seconde de la vidéo est hypnotique. J’en suis bien contente. La vidéo sera projetée sur un miroir qui renverra l’image ailleurs dans la pièce. J’ai eu l’idée du miroir en visitant le temple lundi passé. Si on avait pu voir ce qui se trouvait derrière les portes dorées sacrées, tout ce qu’on y aurait vu aurait été un miroir. Il est considéré comme étant un « contenant » pour les esprits, un symbole d’eux-mêmes en fait. Le phénomène naturel du vent faisant bouger les brins d’herbes est ici considéré comme un kami et le fait de le projeter dans un miroir pour créer une réflexion le rend doublement sacré. Aussi, le miroir est un symbole de vérité puisque ce qu’il renvoie est obligatoirement la réalité.
Tous ces éléments illustrent différents états/expériences vécues lors de ma résidence. L’installation explore les notions d’anxiété, d’emprisonnement, de mort, de danger, de temps qui passe lentement, les fantômes/le folklore japonais, le sacré.
La beauté dans l’imparfait.
Mon expérience du Wabi-Sabi à sa plus simple expression.