Jours 8-9
Me voilà un peu perdue à travers les infinies possibilités/pistes/chemins/avenues/thématiques à suivre/emprunter/explorer/… Quoi de mieux que d’écrire à ce sujet, me dis-je ? C’est d’ailleurs aussi pour ça que je l’écris ce blog !
Bon, qu’est-ce que je fais ici ?
Je sais bien ce que j’y fais, mais concrètement là, qu’est-ce que je fais ?
EUH!
-Oh come on Émilie !
Tu le sais ce que tu fais.
Aller !
Explique-toi un peu là que tu te comprennes toi-même.
-Ok…
Ma motivation à faire cette résidence c’est, comme je vous l’avais dit, d’aller ailleurs en tant que musicienne, explorer des territoires nouveaux. Concrètement, je souhaite d’une part développer une performance dans la forêt en utilisant en grande majorité des sources sonores acoustiques amplifiées. C’est quelque chose que je fais peu. Aussi, je parle bien de performance, donc il y aura une certaine théâtralité à ce que je présenterai. Tout y jouera un rôle, aura un sens : les gestes, les éléments utilisés, le déroulement… Donc ma présence y sera présente, contrairement à l’habitude où je suis plutôt en général effacée derrière ma musique (sauf à certaines occasions, je pense entre autres au spectacle avec la gang de Symon Henry où je me suis laissée emporter par l’action d’appuyer sur un bouton en y ajoutant beaucoup d’intention et de tension, dans mon geste).
-Bon, c’est bien Émilie, continue, on te suit.
-Ah oui ? Oh cool !
Il y a des thématiques que je souhaite explorer. C’est p-ê là que ça devient moins clair.
À la base, dans mes descriptions de projets, vous savez là, pour les demandes de subventions, je disais que je souhaitais m’inspirer du folklore et de la mythologie finlandaise pour lesquelles la nature, la forêt et tous les êtres, esprits, dieux et créatures qui y habitent jouent un rôle.
Je trouve ça extrêmement fascinant, ce lien à la forêt chez les finlandais. Je ne suis pas insensible moi-même à cette magie qui semble être là, dans la forêt, particulièrement ici, dans ce pays. Quand on entre dans une forêt, c’est comme entrer dans un autre monde, un lieu sacré, spécial. Je m’y sens à la fois chez moi, ou plutôt confortable mais en même temps dans un autre monde, une autre dimension. C’est ça qui me fascine tant dans la forêt.
J’essaie depuis mon arrivée de me documenter le plus possible sur le folklore, la mythologie.
Il y a tellement tellement de choses à ce sujet ! D’abord les dieux que l’on priait autrefois pour toutes sortes de raisons. Et puis les rituels. Je pense entre autres au texte que j’ai lu hier au sujet des « Deposits at sacred places » (j’arrive difficilement à traduire ça parce qu’en français, comme en anglais d’ailleurs, le terme deposits est plutôt étrange) En gros c’est ces petits objets/offrandes (vous savez ? comme ces pièces de monnaie qu’on jette dans une fontaine ? c’est un exemple de ça) laissés à des endroits spécifiques, des endroits sacrés (souvent de grosses roches aux formes ou qualités hors de l’ordinaire ((tiens tiens, ce n’est pas sans rappeler le Japon et le Shinto)), des arbres spéciaux (par exemple le Timin mänty (le Pin de Tim) qui est un pin vieux de plusieurs centaines d’années auquel on attribuait des pouvoirs (Tim’s pine is an example of how meaning attached to sacred places can change with time (Fig. 3). In folk tradition, it was connected to healing toothaches. It was believed that when an aching tooth was pressed with a stick and the stick was left in this pine, the pain would also be left there.)
Je vous mets d’ailleurs ici le lien pour l’article, si jamais vous êtes curieux/curieuses :
https://www.folklore.ee/folklore/vol75/jonuks_aikas.pdf
Ça m’intéresse toutes ces croyances, ces rituels.
Je lisais aussi sur le shamanisme en Finlande, la fonction que ça avait. En entrant en transe, le/la shaman pouvait ainsi entrer en contact avec le monde des morts afin d’avoir des réponses à des questions, des prédictions sur des évènements à venir mais aussi afin de savoir comment guérir une maladie.
Ce qui m’intéresse d’autant plus, c’est que tout ce que je viens de décrire se trouve dans pas mal toutes les civilisations, sous une variation quelconque. Bien sûr, je comprends que ça avait majoritairement pour but l’explication de phénomènes naturels ou autres phénomènes hors de la compréhension/du contrôle des hommes. Mais en même temps, je ne peux m’empêcher de trouver ça d’une incroyable beauté. Selon moi, c’est une manière très pure (je ne suis pas certaine de ce mot, pure…je ne sais pas quel mot serait plus approprié) de voir les choses, de s’expliquer la vie. C’est très poétique aussi. Et aussi super inspirant.
Les phénomènes de transe, d’états seconds augmentés d’une certaine manière sont aussi intrigants. Ils sont majoritairement reliés à une expérience divine, transcendante où la personne affirme souvent entrer en contact avec quelque chose de puissant, comme un dieu, par exemple.
Ok petite pause.
Mais, si les gens, il y a très longtemps accordaient une importance particulière à ça, et que plus tard, les grandes religions qu’on connaît maintenant remplissaient cette même fonction, où est donc passé ce besoin, ce désir de connecter avec quelque chose de plus grand que nous dans notre vie moderne ? Est-il simplement disparu ou est-il simplement ignoré, rejeté puisque ça nous rappelle une certaine époque pas si lointaine d’un catholicisme imposé au Québec ?
Je sais bien que je ne suis pas la première à faire ce parallèle, mais justement, samedi passé, ces deux heures passées à danser en groupe sur ces rythmes techno hypnotisants ne sont pas sans me rappeler, sans m’évoquer une certaine tentative de connecter avec quelque chose de plus grand, tous ensemble, d’entrer en transe au moyen de cette musique répétitive. Je pense qu’au fil du temps, l’homme (et la femme aussi là) a trouvé d’autres manières d’atteindre ce qu’ils atteignaient autrefois par le biais de la religion. Dernièrement, et c’est pas surprenant vu l’état du monde dans lequel nous vivons, il y a eu une remontée de popularité des croyances païennes, du tarot, de l’astrologie, de l’herboristerie et aussi sans trop grande surprise, des drogues psychédéliques. Peut-être qu’on cherche à faire du sens, à trouver un sens puisque pas grand chose en a un, un sens ?
Ouf !
Mon Dieu ! (c’est le cas de le dire) !
Me voilà presque en train d’écrire un essai.
ahhahaha !
Mais voilà, tout ça m’intéresse incroyablement beaucoup. Tout ça me rend extrêmement curieuse et j’ai envie d’explorer ces territoires dans mon travail.
Je ne sais juste pas encore EXACTEMEMENT comment. Surtout que je veux à tout prix éviter de tomber dans des clichés ou des rapprochements un peu trop simplistes ou évidents.
Mais tout y est.
Je crois.
Reste juste à trouver un sens.
Oh là là !
Me voilà prise là-dedans moi aussi.